Faire du vélo…Pourquoi pas moi?

24 janvier 2015

Faire du vélo…Pourquoi pas moi?

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Vélo Tout Terrain

Née dans une cité minière de Guinée, jadis un  »Petit Paris », aujourd’hui moribonde suite à une mauvaise gestion de cette usine d’alumine qu’elle abrite depuis 54 ans, la première en terre africaine, j’ai toujours voulu faire du vélo. Fria est cette ville qui m’a vu naître et grandir, avec des principes  qui régissent ma vie de tous les jours.

De ma cour, encore enfant, j’apercevais mes amis, voisins, passant dans les rues et sentiers qui longeaient les maisons entourées de grillage, de fleurs et dont les cours étaient aménagée avec du gazon et des graviers.

Je me rappelle encore du bruit qu’ils faisaient quand arrivait le soir, mon père, vêtu de sa blouse bleu, lunettes sur son casque, chaussures de sécurité, symbole d’un ingénieur. C’est d’ailleurs le nom qu’empruntait cette zone:  » La cite des Ingénieurs ».

Tous les enfants se distinguaient par leur type de vélos: deux roues, trois roues, quatre roues…son design: Barbie, Tortue Ninja, Spiderman, Chicago Bulls, sa marque…

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Vélo pour jeunes filles

Faire du vélo était donc un moyen d’intégration, de communication (« Tu as vu mon nouveau vélo qui vient de… »), d’autonomie, donc d’estime de soi.

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Vélo pour jeunes garçons

Cette petite ville, où tous les endroits sont reliés, était donc facile à parcourir a vélo. Bitumées, plates, les routes reliaient l’école, la maison des jeunes, les terrains de foot,  le marché pour les petites commissions, etc.


Le soir,  après les cours repartis en deux shifts: 8h-12h & 14h30-16h ou 18h, les enfants de la cité se donnaient rendez-vous  pour des compétitions, des promenades et des jeux de séduction car il fallait avoir la tenue qu’il faut, les chaussures et le casque qui correspond. Tout un arsenal.

Tout cela se passait sans moi. Je n’ai jamais connu le bonheur de faire du vélo. Non pas que les moyens ne le permettaient pas, ni la disponibilité, car il arrivait que la société Pechiney (à l’époque société gérante de l’usine) en offre à l’occasion des fêtes de fin d’années, mais tout simplement parce que j’étais une fille.

Etre fille dans nos sociétés africaines signifie se résigner à faire beaucoup de chose, être contrainte à renoncer à ses rêves, ses envies.
Faire du vélo était donc considéré  par mes parents comme un jeu qui dépravait la jeune fille, du vagabondage, par le fait que l’enfant s’aventure à des distances de son domicile, mais aussi d’insécurité à cause des automobilistes qui pouvaient conduire à vive allure.

Pour les parents africains en général, ce sport   « dangereux » pouvait faire perdre à la jeune vie son hymen par sa brutalité, et entacher son corps par des cicatrices. Il n’y avait donc pas de négociation. C’était « pas de vélo pour moi ».  Dans certaines localités de Guinée, notamment les villages du Fouta, ou encore de la Haute-Guinée, la femme ne peut s’hasarder à faire du vélo. Elle est toujours conduite –assise sur le cote– par son frère, par son père ou son époux.

Aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu faire du vélo. Je m’imaginais le plaisir qu’on pouvait y prendre en se conduisant soi-même, le vent qui pouvait entrer dans les cheveux, le plus important, la confiance en soi qu’il pouvait développer par l’affront du risque. Parce que oui, faire du vélo éduque.

Aujourd’hui adulte et vivant dans la capitale, je n’ai toujours pas osé faire du vélo, ni d’ailleurs conduire un quelconque engin de ce genre.   L’interdiction m’est encore à l’esprit et l’environnement ne s’y prête pas: routes dégradées, mauvaise conduite, manque de trottoir…

Un motard cogne un cycliste. Que de disputes! Le cycliste "muet" dans son langage disait que le motard l'a blessé au pied.
Un motard cogne un cycliste. Que de disputes! Le cycliste « muet » dans son langage disait que le motard l’a blessé au pied.

Mais j’aimerai tant faire du vélo!

Africa224.mondoblog.org

 

 

Annexes: Le réseau VELOPHONIE publie les récits des mondobloggeurs sur le VELO. A lire.

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Commentaires

Dieretou
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Je decouvrir ce blog et je suis contente de tomber sur une guinéenne. :) Je connais Fria de nom, je n'y suis jamais allée. Je suis née à Kamsar moi.

En tout cas ravie d'être passée par là, charmant récit.
Bon courage ^^

Fatoumata CHERIF
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Bonjour Chère bloggeuse, ravie de te rencontrer sur cette plateforme. Keep in touch.