Les Femen, des activistes féministes qui font le buzz

6 mai 2015

Les Femen, des activistes féministes qui font le buzz

FEMEN
FEMEN

Si d’aucuns qualifient leurs moyens d’action d’extravagants, d’autres par contre pensent qu’ils sont légitimes. Elles créent le buzz dans les médias, font trembler les politiques, déstabilisent des régimes. Elles, ce sont les Femen ce mouvement féministe né en Ukraine en 2008 sous l »impulsion d’Anna Hutsol avec l’idée d’organiser un mouvement féminin de résistance dans un pays dirigé par et pour les hommes.

Naissance d’un mouvement qui étend ses tentacules à travers le monde

Plus tard, d’autres étudiantes, comme Sasha Shevchenko  rejoignent le mouvement et lance une première campagne contre l’exploitation sexuelle des femmes. C’est ainsi qu’en 2009, une journaliste engagée pour la défense du droit des femmes, Inna Shevchenko rejoint les Femen et devient par la suite leader.

Ce mouvement féministe, loin de s’inspirer des actions traditionnelles de revendication, crée une nouvelle méthode plus radicale pour attirer l’attention de l’opinion : manifester seins nus avec des slogans sur la poitrine. Ce qui donne naissance à un nouveau concept:  le sextrémisme et leur assure une médiatisation à très grande échelle, de leurs activités.

En 2010, Femen s’introduit dans un bureau de vote avec comme slogan  »Stop Raping the country » (arrêtez de violer le pays) lors de la présidentielle qui verra l’ancien premier ministre Viktor Ianoukovytch, élu comme futur président de l’Ukraine, pays reconnu comme étant une plaque tournante de la prostitution et qualifié par les Femen comme  »une société dominée par les hommes dans laquelle les femmes doivent garder leur bouche fermée et leur vagin ouvert ».

Un an plus tard, c’est devant la cathédrale du Christ-Sauveur en Russie que le mouvement s’oppose à la politique de Poutine avec comme slogan  »God, throw away the king » (Dieu jette le roi).  C’est dans cette même cathédrale, lieu symbolique et hautement stratégique, que le groupe Punk-Rock féminin Pussy Riot (les chattes enragées) fait une  »prière » anti-Poutine dans une chanson avec comme refrain, le même slogan. Ce qui leur a valu un emprisonnement. Relaxées, ces chanteuses téméraires sont de nouveau remontées sur scène en bafouant l’autorité du gouvernement russe.

Les Pussy Riot-Groupe punk russe
Les Pussy Riot-Groupe punk russe

De 2010 à ce jour, le mouvement  prend une allure internationale et crée ses antennes en Allemagne, en Belgique, au Brésil, au Canada en Espagne, aux Etats-Unis, en France, en Israël, au Mexique, aux Pays-Bas, en Suède, en Turquie. D’autres mouvements relais sont en gestation.

Critiquées, opprimées, battues, emprisonnées, accusées d’hooliganisme, de profanation, les Femen ne reculent pas moins devant leurs objectifs qui sont : la lutte contre les régimes dictatoriaux, l’industrie du sexe et la religion.  La lutte contre le patriarcat, qu’elles considèrent comme une forme d’organisation sociale, juridique et économique bâtie sur la détention de l’autorité par l’homme, est pour elles, un motif de revendication pour le droit de la femme.

Pour mieux partager leur motivation avec l’opinion, le mouvement activiste, redouté et redoutable, a édité un Manifeste qui retrace son idéologie. Ce manuel de 64 pages édité par les éditions Utopia a été dédicacé par les Femen  (Sarah, Elvire, Inna et Esther) à l’occasion du Salon du livre de Paris, en mars dernier.

Femen-Paris-Africa224.mondoblog.org
Dédicace du Manifeste des Femen-Paris-Africa224.mondoblog.org

Le sens d’une lutte

Pour les auteurs,  » à la fois droit de réponse politique, ressource idéologique et manuel d’instruction à l’intention des futures activistes Femen, ce manifeste permettra aux sympathisants comme aux sceptiques de mieux comprendre nos desseins. Il pourra devenir l’anti-Bible de chevet de toutes et tous les révolutionnaires féministes à travers le monde, prêts à s’engager dans la lutte. Véritable déclaration politique, les mots viennent compléter et renforcer les images qui nous ont fait connaître ».

Plus loin, elles soulignent :  »Historique, motivations, convictions, mode d’actions, sextrémisme, slogans, cibles principales… Nos activistes Femen décrivent et analysent dans ce livre les différentes facettes de leurs combats. Nous avons porté ces idées malgré les arrestations, les menaces, les obstacles personnels, la violence des régimes et les agressions des extrémistes. Nous les avons portées aux côtés de nombreux amis idéologiques qui sont tombés pour ces idées. Nous les avons portées, au péril de nos vies, nous les avons propagées d’Ukraine au reste du monde ».

Plus que jamais déterminés, les Femen ne comptent pas rebrousser chemin  »Parce qu’aujourd’hui plus que jamais la liberté d’expression doit vivre, Parce que nos voix doivent résonner plus fort que leurs tirs de kalachnikovs, Parce que pire que ceux qui crient leur fondamentalisme, il y a ceux qui taisent leur libre pensée, Ce manifeste est affirmation, nous sommes résistance ».

De la conscience politique naît l’engagement, de l’engagement naît l’action, de l’action naît la révolution.

Ce mouvement influent a même réussi à s’introduire dans les traditions les plus ancestrales où le corps de la femme est perçu comme un mythe. C’est ainsi qu’une militante tunisienne du nom d’Amina, a publié sur les réseaux sociaux, une image d’elle seins nus avec comme message  »Mon corps m’appartient et n’est l’honneur de personne » allant ensuite jusqu’à peindre sur le mur d’une mosquée de Kairouan ( ville du centre de la Tunisie et le chef-lieu du gouvernorat du même nom), le mot Femen. Pour un pays musulman, cet acte a été considéré comme un affront. Ce qui souleva la colère des imams qui ont demandé à ce qu’elle soit lynchée. Elle est plus tard arrêtée et accusée d’atteinte aux bonnes moeurs et de profanation.

Pour les activistes, si elles doivent subir la répression alors qu’elles portent une revendication universelle de liberté et d’égalité, c’est que celle-ci représente une menace pour les institutions que visent leur lutte et que les cibles auxquelles elles s’attaquent, son effectivement les ennemis de la liberté.

De manifestation en manifestation,  les Femen continuent de dénoncer avec acharnement, les mépris des droits des femmes dans les pays dont les lois s’inspirent des dogmes religieux.  Pour elles  »Là où commence la religion s’arrête le féminisme ». 

 » Nous combattons toutes les religions dans ce qu’elles constituent systématiquement des modèles de sociétés concurrents et antidémocratiques où hiérarchie et obéissance absolue sont les maîtres mots ». Soutiennent-elles.

Pour les Femen dont la devise est  »Every woman is a riot » (Chaque femme porte en elle, la révolte), les femmes n’ont pas besoin de réformes, elles ont besoin d’une révolution On ne réforme pas un système vicié, on le détruit. Le patriarcat qui contrôle notre chair et oppresse nos esprits a désormais trouvé dans nos corps nus et combattants le moyen de son anéantissement ».

Contrairement à ce que pense l’opinion, par l’image répressive et  »rebelle » qu’elles reflètent, les Femen ont une idéologie absolue:  » la quête d’une société idéale dans laquelle la conception binaire et genrée des rapports humains serait abolie et où chaque individu se reconnaîtrait comme l’égal de l’autre. Nous cherchons à dépasser les problématiques individuelles, les spécificités culturelles, politiques, nationales et religieuses. Nous cherchons à émanciper femmes et hommes du carcan sexiste que la société leur impose. Que nos rapports ne soient plus régis que par un seul et unique principe : l’égalité. Nous proclamons l’indivisibilité de l’être humain ». précisent-elles dans le Manifeste.

Le Manifeste des Femen édité par LES EDITIONS UTOPIA

Comme pour défendre leur raison d’être, les activistes soutiennent que  »Femen est un mouvement féministe donc humaniste qui s’inscrit dans la lutte contre l’exploitation d’un groupe par un autre. Dès que l’on accorde et légitime les relations de pouvoir, s’instaure un rapport de force violent à l’origine des inégalités les plus intolérables.Nous plaçons la libération des femmes au coeur de notre engagement mais également la lutte contre le racisme, l’homophobie, l’extrême droite, le fascisme et l’intégrisme religieux afin de continuer à parcourir les chemins de cette utopie. Nous déclarons la lutte contre chaque forme de domination comme condition sine qua non à toute possibilité d’existence d’un système égalitaire ». 

Les Femen militent pour embrasser un idéal égalitaire, donc passer du pouvoir des uns sur les autres à la responsabilité de chacun envers les autres, d’une société où l’on se définit les uns contre les autres à un espace commun où l’on se définit les uns avec les autres.

La lutte contre la traite des femmes

Elles considèrent l’industrie du sexe comme un outil d’exploitation d’un sexe par l’autre au moyen de la force, de l’intimidation, de la manipulation, comme une activité commerciale où la femme est dépossédée de sa qualité d’être humain libre et indépendant, est réduite à un corps, une enveloppe matérielle ou une image utilisée pour satisfaire une vision de la sexualité dominée par les hommes. Un système marchand dont le succès et l’efficacité passe par la dévalorisation des femmes qui se retrouvent prises au piège par un système économique et social réaffirmant le statut de domination de l’homme prôné par l »idéologie patriarcale. Elles dénoncent l’ensemble des systèmes de production qui ont pour cible, la marchandisation du corps des femmes et la commercialisation de leur sexualité, au coeur d’un marché principalement masculin. Ce qui est révoltant car elles s’offusquent contre le fait que nos sociétés continuent à accepter et encourager ce qu’elles qualifient d’une machine à broyer les êtres tout en interdisant la vente d’organes à des fins médicales.  »De quel cynisme faut-il être fait pour considérer qu’un vagin ne vaut pas plus qu’un rein? » constatent-elles.

Plus révoltant encore selon les Femen, le patriarcat n’a pas peur des seins nus des femmes s’ils se trouvent dans leur lit ou dans une publicité, au service de son plaisir ou de ses intérêts mercantiles.  »Mais en voyant un corps féminin dénudé et revendicatif sur la place publique, place qui appartient toujours majoritairement aux hommes le patriarcat est désorienté. C’est notre forme non violente mais extrêmement agressive de provocation. »

Un logo expressif

L’emblème principal du mouvement Femenest son logo, une figure stylisée de la lettre F en alphabet cyrillique (alphabet utilisé pour écrire la plupart des langues slaves), représente également la forme des seins féminins symbole du mouvement.

 Logo des FEMEN

Logo des Femen

Ce mouvement intrépide devient de plus en plus redoutable. Leur dernière action remonte au 1er mai 2015 en France lors du discours de Marine Le Pen du Front national (FN). La cérémonie a été interrompue deux fois de suite par les activistes (voir vidéo ci-après).

Loin de ce que pourrait penser l’opinion,  ce phénomène existe aussi en Afrique. Bien sûr de façon moins exhibitionniste.

Pas plus tard que cette semaine (ndlr-le 08/05/15), des femmes en Guinée (un pays situé en Afrique de l’Ouest), ont fait une marche torse nus, foulard blancs noués à la tête, pour réclammer le retour d’un de leur fils. Il s’agit de l’ex capitaine Moussa Dadis Camara, Président de la junte militaire, venu au pouvoir par coup d’Etat  le 28 décembre 2008 et qui, une année plus tard,  a dû le quitté in extremis suite à un attentat orchestré contre lui par son aide de camp, Toumba Diakité. Il vit en exil et en convalescence depuis cette période au pays des hommes intégres, le Burkina Faso.

Ces femmes par leur démarche, exigent le retour du fils de Koulé , village de naissance de Dadis situé à N’Zérékoré au Sud de la Guinée. Plus d’infos

Dans nos coutûmes, le corps mythique  de la femme, est une arme repressive qui effraye l’autorité.  Un signe de ras-le-bol. Les mamans qu’elles représentent ne doivent être vues nues en public et surtout pas par les  »CHEFS ». Ce qui pourrait destabiliser leur pouvoir et nuir à leur hégémonie. Dans certaines regions, voir des femmes dénudées dans la rue, est un signe de malédiction pour le pays.  Certains sages d’ailleurs pointent du doigt les hommes qui abusent des femmes pendant les périodes de conflits. Pour ces prêcheurs,  ces actes  plus que déplorables, contribuent à  attiser la flamme de la discorde, à  entrainer des bains de sang.

Les femmes torses nus dans les rues de N'Zérékoré.
Les femmes torses nus dans les rues de N’Zérékoré-GUINEE

Devons nous craindre la révolte des femmes? Selon vous, les Femen en font-elles trop? Ce mouvement féministe doit-il être rédouté? Freiné?  Nous avons sélectionné un certain nombre d’images retraçant leurs activités dans le diaporama ci-dessous:

A vos commentaires.

Fatoumata CHERIF                                                                                                                             Africa224.mondoblog.org

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Commentaires

Serge
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Belle présentation, mais le billet aurait gagné à être plus critique...

Fatoumata CHERIF
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Merci pour vos critiques et suggestions

Sophie
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J'admets qu'elles luttent pour une bonne cause, mais je ne vois pas en quoi le faire la poitrine à l'air gagnerait plus de résultats.

Jade
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bjr, courageuses les filles, mais on ne retient d'elles plusla nudité de la poitrine plus que l'action en elle même ::: il y a d'autres formes pour nous faire entendre: faire de la politique et des grèves de la faim...
Kiss
Jade

Fatoumata CHERIF
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Merci à ce qui ont lu ce billet jusqu'au bout. Je sais qu'il est très long mais utile. Bien à vous!